À tous ceux qui…
>> une pièce de Noëlle Renaude
La pièce
1948, ils sont trente-six, de la plus jeune au centenaire, à fêter une paix nouvelle, à s’enthousiasmer pour le futur, à régler de vieux comptes, à oublier l’horreur, à se souvenir des morts, à boire et à manger, à colmater les fissures…
Ils sont tous là, le groupe familial et social pris dans l’instantané d’un dimanche, au bord de l’avenir. Ils ont tourné le dos au gouffre. Ils guettent une vie nouvelle, enlacés à celle qui fut.
Des vies d’hommes ordinaires sont ponctuées par les mots, des inventaires d’existences simples où se débattent les misères et les joies quotidiennes, tels sont les bruissements de l’intime auxquels nous invite ce texte étonnant.
Extraits
Hercule Blanchet, 7 ans
Premier prix de calcul, premier prix de lecture, premier prix de géographie et peau de balle en gym. Au stade, je suis la proie de quolibets du style : quand on avance Hercule. Je m’appelle Hercule. À qui la faute si je suis maigrichon et tout mal tourné ? À l’avitaminose D. Et d’où elle vient l’avitaminose D ? Tout droit de la guerre. Des carences et de la pénurie. J’ai manqué. J’ai eu faim. J’ai toujours faim. Alors aujourd’hui je m’empiffre. J’ai repris de tout. J’ai goûté aux liqueurs et aux apéritifs dans le verre de Germain Gloton. À cinq heures, j’ai vomi au pied du tilleul, puis j’ai été pris de colique, au grand bonheur de man-man qui était en train de valser aux bras de Maurice Complot. Elle a dû venir m’essuyer. La figure. Puis les fesses. Tout en hurlant comme une folle que tous on avait décidé de lui gâcher la journée, le seul jour de l’année où je peux m’amuser. Du coup, j’en ai encore vomi une pleine cuvette. Quand man-man est redescendue, monsieur Complot était en train de faire valser Yvette Leharang dont les cheveux ont fini par repousser.
Coco Tatin, née Oscur, 33 ans
Tout le monde le savait. Que Ferdinand et moi avant la guerre bon, quand Alice avait encore à peu près toute sa tête et que Bernard était encore en vie, j’aimais Bernard, mais j’aimais aussi Ferdinand, maintenant, ils disent que je bon avec Maurice, l’ancien capitaine de Joseph, ils disent même que Paul et moi bon, Paul, l’ex-fiancé de Georgine, le réfractaire disparu dans les décombres du cinéma, Olympia ne se gêne pas pour dire que ma fille ressemble à Ferdinand, quant à cette vipère d’Augustine, elle crie partout que si Alice a perdu la boule en 41, c’est parce que Ferdinand et moi bon et aujourd’hui, elle a le toupet de dire c’est à peine dicible que je fais des bon, pas catholiques avec Lucien, la preuve, qu’elle dit, on ne donne pas un nom d’homme à un chien, elle dit que Lucien est grand comme un veau et que même ‘’on’’ nous aurait vus dans la buanderie en train de bon, et que Lucien n’arrête pas de renifler les parties intimes des dames et que s’il fait ça, c’est parce que bon, et que la pauvre Alice, dès qu’elle me voit, elle entre en transe , que c’est une misère de la voir parler toute la journée à ses souliers ou à son réveille-matin, tout ça parce que Ferdinand la trompait avec moi, Ferdinand ne l’a pas trompée qu’avec moi, Ferdinand est un coureur, en partant vers minuit, à l’insu de tout le monde, il a essayé de bon, et j’ai failli le laisser faire, heureusement que bon, Bernard n’est plus là ce n’est plus pareil, question de bon, de principe. De morale.
Équipe
Mise en scène et scénographie : Françoise Vidal
Assistante mise en scène : Jocelyne FRIGERIO
Interprétation : Liliane CHAVET, Jocelyne FRIGERIO, Julien RETIF, Marie ROYET, Roland SAUZEDDE, David SEVELLE et Olivia VIDAL.
Réalisation des décors : Martine GEOFFROY et A.LUCINANT
Conseillère artistique chant : Anne-Marie LERCHE (chef de choeur du Canto Général Auvergne)
Création des lumières et régie : Jean-PAUL CHAVET
Régie son : Jean-Noël RETIF
Maquillage et coiffure : Ecole d’esthétique Pigier Clermont-Ferrand
Costumes : Lycée Marie Laurencin Riom
Perruques : E’volutifs Clermont-Ferrand